Broadcastability

Une Conversation avec Joel Castanet: La philosophie et le travail en équipe

October 22, 2021 The PROUD Project Season 1 Episode 2
Broadcastability
Une Conversation avec Joel Castanet: La philosophie et le travail en équipe
Show Notes Transcript

*Lisez la transcription accessible  ICI

Pour le deuxième épisode de Broadcastability, l'équipe du Projet PROUD accueil Joel Castanet, un kinésithérapeute et enseignant au Québec. Cet épisode aborde, entre autres, la philosophie du handicap,  les complexités pour les personnes handicapées dans les métiers médicales, l’importance du travail en équipe et les différences entre la vie en France et au Canada pour une personne handicapée.

For Broadcastability's second episode, the PROUD Project team sat down with Joel Castanet, a physiotherapist and instructor living in Quebec. This episode discusses the philosophy of disability, the complexities faced by disabled healthcare workers, the importance of teamwork,  and the difference between life in France and in Canada for people with disabilities.


Générique de l'épisode:

Animatrices: Chloë Atkins et Isabelle Avakumovic-Pointon

Réalisatrices: Chloë Atkins et Andrea Whiteley

Monteuse:   Isabelle Avakumovic-Pointon

Art de Couverture: Isabelle Avakumovic-Pointon

Transcription: Isabelle Avakumovic-Pointon

Musique: Justin Laurie

Reconnaissance du financement:

Nous remercions Scarborough College à l’Université de Toronto et notre partenaire pour ce balado, Timbres de Pâques Canada, pour leur aide. Nous tenons également à remercier nos partenaires financiers : le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, le Centre for Global Disability Studies, Tech Nation et le Catherine and Frederick Eaton Charitable Foundation.

(musique) 

Joel: [00:00:02] Il faut faire un choix et puis il faut faire le saut, il faut se lancer parce que si vous choisissez pas la vie, va choisir pour vous.

(musique)

Andrea: [00:00:17] Bienvenue au deuxième épisode de Broadcastability, un balado pour, par et à propos des personnes handicapées en milieu professionnel. Ce balado fait partie du Projet PROUD à l'Université de Toronto. Pour plus d'informations, veuillez consulter notre site web leprojetproud.ca 

(musique)

Isabelle [00:00:45]: Ce balado a été enregistré sur les territoires traditionnels et ancestraux des Hurons Wendat des Sénèque et des Mississaugas de la rivière Crédit. Nous aimerions également souligner les autres terres autochtones de l’Île de la Tortue où nous menons nos recherches et enregistrons ce balado. Miigwech.

(musique) 

Chloë: [00:01:19] Bonjour, je m'appelle Chloë Atkins. J'ai un handicap et je suis professeur de sciences politiques et chercheuse principale du Projet PROUD. Je suis anglophone, mais je crois que c'est très important que notre balado soit dans les deux langues officielles du Canada. Je pense que la communication entre les communautés francophones et anglophones peut améliorer notre compréhension des expériences des personnes handicapées au Canada. Pour cette entrevue, j'ai été accompagné par Isabelle Avakumovic-Pointon, l'assistante de recherche et de réalisation pour le Projet PROUD, Isabelle, peux-tu t’introduire? 

Isabelle: [00:02:12] Bonjour! Je m'appelle Isabelle et je suis étudiante en Master à l'Université de Toronto. J'étudie les affaires russes et européennes et je suis bilingue : j'ai fait deux ans d'études en France. J'ai aussi un handicap et c'est mes expériences personnelles qui m'ont mené vers un intérêt dans ce projet. 

(musique)

Isabelle: [00:02:34] Notre invité aujourd'hui, est Monsieur Joel Castanet. Il est Français, mais il habite au Québec depuis plusieurs années. M. Castanet est kinésithérapeute, alors il pratique et enseigne la kinésithérapie.  

(musique)

Isabelle: [00:02:51] Ce que je trouvais le plus intéressant dans notre conversation avec Joël, c'était sa vision philosophique, qu'il voyait son handicap, sa carrière, sa vie avec une perspective très philosophique,

Chloë: [00:03:12] Il a réfléchi beaucoup de sa vie et de son rôle.

 

Isabelle: [00:03:17] Oui, et lui, il a aussi beaucoup réfléchi sur la relation entre le corps et l'esprit.

 

Chloë: [00:03:24] Il est un homme qui vit avec une philosophie. 

 

(musique)

 

Chloë: [00:03:33] Bonjour Joel, bienvenue.

 

Joel: [00:03:35] Bon, bienvenue à vous aussi, donc je suis content de participer une deuxième fois pour la suite. Alors je vous écoute.

 

Isabelle: [00:03:42] Alors pour commencer, pourriez-vous nous expliquer comment vous avez choisi votre carrière en tant que kinésithérapeute?

 

Joel: [00:03:50] Ben, c'est à dire que mon expérience au travail, elle découle de mon expérience de malade. Parce que jusqu'à l'âge de 4 ans, jusqu'à 20 ans, j'ai eu 17 opérations. Puis j'avais un kiné qui venait me voir à la maison cinq fois par semaine, du lundi au vendredi. Et il y a des périodes où je suis resté plus d'un an à l'hôpital. Donc, quand a pris à 4 ans ou 5 ans, ce n'était pas comme Michel-Ange là. Dommage, sinon, j'aurais fait des beaux dessins après. Mais dans ces âges-là, je disais à tout le monde que je voulais être kinésithérapeute, qui n'est pas un mot très usuel pour un jeune, un un enfant de 4, 5, 6 ans. Là, en général, il est policier, pompier ou des choses comme cela. Donc à ce moment-là, c'est ça, quand je suis devenu, je ne peux pas dire qu'il y a un matin où je me suis réveillé en me disant « Tiens, je vais faire kiné », c'était pour moi. C'est comme je ne peux pas dire que j'ai eu la révélation un jour de me dire ça y est, j'ai trouvé ce que je vais faire. J’ai pas envisagé autre chose. Je n'ai pas envisagé, par exemple, d'être docteur. Donc, parce que peut être n'avait pas les capacités aussi, parce qu'il faut des capacités que je n'avais pas, mais les kinés, ça, ça me plaisait bien et quand je vois avec du recul, peut-être, j'aurais préféré être médecin urgentiste. Mais je n'ai pas le physique pour cela. Et j'ai peut-être pas les capacités aussi intellectuelles, mais physiquement, ça aurait été impossible d'être aux urgences comme ça. Alors, quelque chose comme kiné, c'est quelque chose où on a la chance par rapport aux médecins de voir le progrès jour après jour. Parce que les médecins, ils envoient chez le physio par exemple, pour trois mois après une entorse de la cheville et elle est réglée. Le médecin constate que bravo! Parfait! Mais il n'a pas vu les progrès. Il n'a pas un contact aussi fort avec le patient. Alors peut être, enfin, c'est surement une des raisons qui a fait que kiné, ça me allait bien et que quand je suis arrivé au Québec, on m'a dit Physio, c'est une pratique différente avec des machines. Ça, pour moi, c'est pas possible. Ma femme qui, qui a été à la même université que moi en France, elle, ella a fait physio, puis ça ne m'a pas dérangé. On fera un peu plus de machines, un peu moins de contact physique. Pour elle, ça l’a pas déranger. Je comprends bien que ce n'est pas dérangeant, mais pour moi, personnellement, c'est comme, c'est pas possible, c'est comme fait. Faire faire d'une façon autre que ce que je pense, qui est la meilleure façon pour moi. C'est pas possible, donc c'est ce qui fait que j'ai eu la chance si on veut de ne jamais avoir de doute de qu'est ce que j'allais faire comme métier.

 

Isabelle: [00:06:35] Vous avez parler un peu de l'équipe médicale qui s'occupait de vous quand vous étiez à l'hôpital. Alors, dans votre expérience, quelle est l'importance du travail en équipe, en milieu professionnel, médical?

 

Joel: [00:06:48] Donc le travail, en équipe, pour moi, c'est qu'il y a de plus important puisque ce que j'ai vu au travers, donc du chirurgien qui était le directeur des kinés, comme je vous ai dit, c'est que lui, il a sélectionné ceux qui étaient les meilleurs kinés, puisqu'il les connaissait tous et qu'en plus, il était hyper motivés parce que sélectionné par le patron. Donc les infirmières, tout le monde donnait 200% de son maximum. Et je voyais bien que oui, évidemment, l'infirmière, elle, ne peut pas remplacer le chirurgien. Mais si le chirurgien n'a pas d'infirmières ou de kiné, et ça ne marchera pas non plus. Donc je vois que la seule solution, c'est le travail d'équipe et que j'ai été très sensibilisé, c'est pour cela que pour moi, c'est très facile, la hiérarchie. J'ai toujours considéré qu'il y avait une hiérarchie. Ça ne veut pas dire que celui qui est en bas de la hiérarchie, il ne fait rien. Ça ne veut pas dire que le kiné, il vaut rien. Et il n'y a que le chirurgien qui voit quelque chose. Mais ça veut dire qu'il y a une hiérarchie et qu'il y a une hiérarchie. Il y a un chef et que dans une équipe, il y a un chef et que des fois, on n'est peut être pas tout à fait d'accord avec le chef. Mais à moins que ça choque vraiment mes convictions, je vais mal, je vais m'aligner. Donc je n'ai pas de soucis à travailler avec des médecins alors qu'il y a beaucoup de thérapeutes autres qui ont beaucoup de soucis avec les médecins parce qu'ils disent ils ont un égo démesuré. Ceci cela qui n'est pas faux non plus, mais qui n'est pas faux. Mais pour moi, il y a une hiérarchie. Alors à partir du moment où la direction me convient aussi, je ferai pas… il m'est arrivé de dire à des médecins Je ne ferai pas cette technique de rééducation parce que ça ne va pas marcher. Docteur, si vous voulez faire cette technique, je préfère que vous confiez à un confrère et pas à moi. Donc le patient ne s'est jamais trouvé sans thérapeute. Mais je dis je préférerais essayer faire ça de mon expérience personnelle. Je vais avoir du mal à faire une technique, je crois, qui est moins bonne qu'une autre que je connais. Alors si, si, vous voulez pas. Mais je n'ai pas de soucis que tu vas transférer le patient qui n'est pas mon patient. Ce n'est pas ma propriété, mais moi, c'est mon éthique. Je ne ferai pas quelque chose que je ne crois pas, surtout quand je travaille en maison de retraite ou vous les mets des contentions sur des personnes âgées qui ont les jambes toutes repliées. Ils vous les mettent des contentions qui leur faisait mal. Mais je disais mais ces personnes là, elles sortiront plus jamais du lit, elles ne pourront plus marcher, etc. A quoi ça sert que dans le lit qu’elle a les jambes étendues? Je comprends bien. C'est plus facile pour faire la toilette pour les infirmières. Je comprends bien qu'il y a des avantages. Mais la pauvre personne, je trouvais que cela faisait souffrir, que les gains valaient pas la souffrance. Donc j'ai dis moi, je mettrai pas assez attelle là. Je ne mettrai pas donc transférez le patient à mon collègue et là puis si lui, il le fait, je n'ai pas d'objection, mais moi, je le ferai pas. Mais sinon, c'est ca assez rare quand même. Je n'ai pas de problème. La hiérarchie, je n'ai pas de problème avec le fait que c'est le médecin qui prend la gloire à peu près maximale de ce qui se passe, ça me dérange pas. Moi, ça me dérange pas, mais il y en a que ça dérange. Quand le médecin dit par exemple devant moi « Ben voyez, on vous a bien pris en charge et le traitement est efficace. Votre problème est réglé ». Bon, je n'ai pas besoin qu’il dise que c'est le kiné qui a fait ses séances. Le problème est réglé. Le patient, il remercie le docteur. Il me remercie plus ou moins pas. Ou des fois oui, des fois non. Ou des fois moins. Mais parce que bon, c'est le docteur qui lui parle. Il va pas… En plus, je ne suis pas susceptible de dire oh, mais là, il aurait dû le patient le dire. Mais il faut que je remercie bon. Et il a remercié l'équipe. Ah bon, C'est fini, alors? Qui prend les lauriers? C'est le docteur. Ça ne me dérange pas, mais j'ai des confrères que ça dérange beaucoup. Et ça, il faut travailler l’égo.

 

Chloë: [00:10:55] As-tu trouvé que ton handicap a aidé ta carrière de quelconque manière? Comment ont réagisent  tes patients quand ils ne se rendent compte que toi aussi, tu as un handicap?

 

Joel: [00:11:09] Ouais, c'est que c'est quand même un avantage, et aussi le côté inconvénient, comme toujours. Dont l'avantage c’est de ce qu'on appelle en philosophie, encore une fois, la relégation. De dire à la personne « Tu vois, il n'y a pas que toi ». On n'a pas forcément la même maladie, mais ça donne un peu le même, le même vécu de souffrance. Donc, il n'y a pas que ça. Et les gens, la première chose qu'ils ont besoin, c'est ça. Parce que quand ils ont un cancer, il eh « pourquoi moi » etc. Essaie de le dire, il n'y a pas que vous, donc c'est malheureux. C'est un faible pourcentage, mais il n'y a pas que vous. L'avantage, c'est que bien, il y a ce que Ricoeur appelait ‘le parcours de la reconnaissance’ donc qu'ils se reconnaissent dans mon parcours, je dis bien moi aussi, il m'est arrivé de passer des nuits où je dormais pas, donc ils se sentent moins seuls, donc c'est ça la relégation dont on parlait. 

 

Joel: [00:11:58] Donc, le côté inconvénient, des fois, c'est que, ils ne vont pas oser, s’ils pensent que je suis plus handicapé qu'eux, ils ne vont pas oser me dire ce qu'ils ont. Parce que quelqu'un qui me dit oui, j'ai une crise de sciatique, puis j’ai été opéré et ça s'est plus ou moins bien passé. Et puis maintenant, quand je marche, je traine la jambe. Avant, je pourrai marcher 3-4 heures. Maintenant, je marche une heure maximum, puis il sait que je marche 5 minutes d'un coup. Il est comme gêné, il ose plus se plaindre parce qu'il se dit ouais, mais c'est comme je suis un peu gêné de dire que… ou il court plus aussi vite qu'avant. Il dit «Je peux marcher, mais je peux plus courir comme avant.» Il se sent gêné parce que bon, etc. Mais comme je le dit, ce n'est pas parce que je suis pire que vous que vous avez pas mal. Moi, je suis pire que vous, mais si moi j'ai mal de 9 sur 10, mais que toi tu as mal 7 sur 10 mais tu as quand même mal. Donc oublie mon 9 sur 10, on va voir qu'est ce qu'on peut faire pour ton 7 sur 10 et n'aie pas de complexe à parler de ton 7 ou de ton 4 sur 10. Sous prétexte que moi, j'ai beaucoup plus, mais il y a des gens aussi qui disent… ah, mais… qui se sont retrouvés après un accident plus ou moins paralysé et qui me disent « Oh, mais finalement, je ne sais pas si c'est peut être plus facile si j'avais été handicapé depuis toujours. Parce que c'est quand même si moi, je me suis habitué.» Déjà qui’ils disent « Oh mais pour vous, une entorse du genou? Je suppose que c'est rien ». Après, c'est pas rien. Ce n'est pas le pire que j'ai eu dans ma vie, mais ce n'est pas rien non plus là. Et quand je n’en ai pas j'en cherche pas spécialement. Mais pour eux, c'est comme de se dire « oui, moi, j'ai mal à mon genou parce que j'ai fait une entorse. Mais je suis gêné pour vous en parler parce que je vois vos problèmes à vous ». 

 

Joel: [00:13:57] Donc des fois, c'est ça aussi, il faut les mettre, mais c'est à nous de les mettre à l'aise. À leur dire que moi, c'est moi et toi, c'est toi, a donc ton problème à toi. C'est pour ça qu'on est là. Mon expérience peut t’aider à passer ça au travers parce que je peux te dire que qu'est ce qui va arriver aussi, mais je dois le mettre à l'aise pour qu'il communique avec ses difficultés. Pas qu'ils soient gênés de dire chose, rien du dire. Il ne faut pas qu'ils retournent à prévoir le docteur pour lui dire « Mais vous savez, j'ai toujours mal à la cheville » et à moi, il m'a dit qu'il avait plus mal parce que vis à vis de moi, il n'ose pas dire qu'il a mal. Puis le docteur va me dire à ce moment-là « tu sais il a encore mal, alors tu aurais pas dû arrêter, Il faut faire encore une ou deux séances ». Mais moi, j'ai dit « je voyais pas de signes. Il m'a dit qu'il a plus mal, donc, et  j'ai comme arrêter ». À ce moment, si ça arrive, je me dirai pas que le client, le patient, m'a trahi. Je dirai que je n'ai pas été assez clair dans mon message, qu’il n'a pas été assez à l'aise pour me dire qu’il avait encore mal parce qu'il se sentait gêné. On peut toujours remettre la faute sur l'autre, ou se disent elle la prochaine fois, j'essaierai, comme d'être plus clair avec d'autres pour nous vraiment dire : « Oh non, vous savez, je sens presque plus rien ». Mais explique-moi, ce presque plus rien là, parce que ça veut dire il faut faire encore une ou deux séances, mais c'est sûr, ce presque plus rien comparé à la douleur qu'il avait au début, comparé à la douleur qu’il suppose que chez moi, il est quand même gêné de tourner. Si vous venez me voir, me dira le petit doigt, il me fait mal un peu. Bon. Vous allez avoir du mal à… mais pourtant, vous avez mal le petit doigt. Alors des fois, ça aide. Des fois, ça aide pas. Mais bon, mon terrain de progression, c'est d'essayer de voir les fois où ça n'a pas aidé. Est-ce que je peux être plus clair ou pas? Ou est-ce que c'est le patient qui ne veut pas comprendre aussi? Parce que ce n'est pas tous les patients qui veulent guérir. Ils veulent tous être guéris, mais ils ne veulent pas tous forcément guérir. Donc, à ce moment-là, s'il ne veut pas, s'il ne veut pas trop, ben, c’est son problème, je ne peux pas faire plus que ce qu'il veut. 

 

Joel: [00:16:20] Et on est surpris de voir qu'il y a beaucoup de patients qui… ça les arrange bien d'être encore un peu malades comme ça, ça leur permet de faire un abus de faiblesse. « Tu comprends, moi, je suis handicapé, alor, si tu peux m'aider… » Là, à un moment donné, vous dites ouais quand même, il exagère, mais vous osez pas me dire que j'exagère parce que ça va être mal perçu. Donc c’est un abus de faiblesse, mais dans l'autre sens. Là, ce n'est pas le valide qui abuse de la personne handicapée, c'est la personne handicapée qui abuse de son problème pour prendre les autres pour des serviteurs. Alors ils vont vous dire que « tu vois maintenant que je suis handicapé, tous mes amis m'abandonne ». Ce n'est pas tes amis abandonnent parce que tu handicapés, tes amis qui abandonnent parce que t'es insupportable. C'est différent. Et si tu avais été insupportable sans être handicapé, tu auras été abandonné pareil.

 

Chloë: [00:17:17] Pour ta carrière. Tu as choisi d'être entrepreneur au lieu d'un employée. Pourquoi tu as pris cette décision?

 

Joel: [00:17:27] Ce qui est arrivé, j'allais dire, entre guillemets, ne devait pas arriver. Parce que évidemment, le chirurgien qui m'a opéré dix-sept fois, était aussi le directeur de l'école de kiné, donc qui relève de la faculté là, de médecine, c'était lui de directeur. Donc, quand je suis allé faire les études de kiné à l'université, ben, tous mes profs me connaissaient. Il y a la plupart. Ils m'avaient rééduquer un peu dans mon enfance et les autres me connaissaient parce que j’était un peu comme une mascotte là. Les autres m'avaient vu. Et puis, comme ils savaient que c'était le chirurgien, leur chef, qui s'était occupé de moi, bon, même celui qui ne voulait pas faire trop de zèle, il se sentait quand même un peu obligé de le faire, de faire attention. Et donc, quand j'ai eu mon diplôme, finalement, de kiné, il était tacitement, c'est à dire passivement, entendu, passivement parce qu'on n'en avait pas discuté. C'était du non-dit, là, comme dirait Heidegger. Il était évident que, ayant mon diplôme, j'allais travailler à l'hôpital puisque je connaissais tous les kinés, le chirurgien, etc. Que j'étais une personne handicapée, donc prioritaire. Alors déjà, je connaissais toute la direction, je connaissais tout le monde et en plus, j'étais handicapé. Donc cela veut dire, peut difficilement être guère plus prioritaire que cela.

 

Joel: [00:19:00] Donc on n'en avait même pas discuté tellement c'était comme une évidence pour tout le monde. Comme le fait que j'allais être kiné. C'était une évidence. Le fait que j'allais travailler à l'hôpital puisque c'était un milieu que j'adorais, c'était comme une évidence et personne vous aurait… il viendrait à personne à l'idée de vous dire Oh! Est ce que tu respire? Parce que je dirais c'est évident qu'il respire. C'est un peu la même évidence. Et là, les hasards font que pour faire une histoire courte au moment de cet emploi, dans le mois de juillet, là, le gouvernement décide de faire justement des coupures. Et que là, il n’embaucherait plus d'infirmières, de kinés, etc. pendant un certain temps parce qu'il restructure, etc, etc. Ce qui fait que ont été deux, il y avait un autre qui qui était prioritaire aussi, donc on était deux à être prioritaires, et donc, c'était évident que quand il y avait chaque année au moins une vingtaine ou une trentaine de places. Donc pour les deux, là, c'était c'était évident que c'était nous deux qui avons la place. Alors là, on tissa le chirurgien, là, il peut rien faire parce que c'est gouvernemental. Donc tu ne peut pas dire ben moi, je embauche quand même. Là, il est obligé de... Alors au début, on se dit bon ben c'est comme les mesures gouvernementales. Peut être que dans deux ou trois mois, la rentrée en septembre, ça va changer. Bref, ça n'a pas changé. Alors j'ai commencé à faire des remplacements dans le privé. Toujours dans l'idée, bon, je vais faire des remplacements de 3 mois à 6 mois. Bon, ça m'amusait. D'ailleurs qui n'est que gérant, que j'ai remplacé parce qu'il n'y a pas trop de hasard, lui, il était aveugle. Donc, je dit : tiens, chacun son handicap, là alors, mais bref. Et puis ça ne s'est jamais fait. C'est à dire que pendant plusieurs années, l'Assistance publique n'a plus embauché. Et puis, un an après, c'est comme ma femme qui a fini d'avoir son diplôme puisqu'elle était de la promotion après moi. Et c'est là qu'on est parti vivre une année à l'Île Maurice. Et puis après, donc on a travaillé à l'Île Maurice, et puis après, quand on est revenu en France, il y avait un kiné qui me suivait depuis des années là, qui m'a dit « Viens travailler avec nous dans ma clinique, avec des docteurs, etc ». Alors je suis allé là. Et puis après, il y a eu des places à l'hôpital, mais le momentum était passé. Mais si vous m'aviez demandé quand j'ai commencé mes études ou est-ce que je vais travailler après, je vous aurais dit à l'hôpital parce que c'était comme une évidence.

 

Joel: [00:21:45] Dans mon idée, je me voyais dans mon idée dont j'allais à l'hôpital. Je travaillais à l'hôpital et j’aurais fait la formation pour devenir enseignant pour les et pour les étudiants en kiné. C'est pour moi ça coulait de source de rendre ce que j'allais, ce que ce que les autres m'avaient apporté. Donc, aller à l'hôpital, je rendais aux gens et puis je voulais enseigner. Donc pour moi, c'était ça. Puis c'était… je voyais pas si c'est comme un tout, c'est dit. On ne voit pas pourquoi ça va se passer autrement. Et c'est ça la vie, quoi se passe autrement. Puis c'est ce n'est pas plus mal. Des fois, je me dis « ah, je serais peut être venu directeur de la faculté parce que maintenant, si avant, c'était un médecin qui était le chef mais maintenant c’est un kiné ». Mais je me dit bof... Oui, si je pouvais faire trois vies en parallèle, j'aurais fait celle-là aussi. Mais bon, c'est pour cela que s'adapte s'adapter pour une personne handicapée, s'adapter. Je dis docteur, c'est un maître mot, une espèce de ça devient un art de vivre, quoi. Au début, c'est comme imposé, puis après, ça devient un art de vivre. Bon, pourquoi on ne va pas aller à Maurice ou pourquoi après, on ne va pas migrer au Québec? Donc c’était... j’étais ouvert, ce n’est pas que j'étais ouvert à cela, je sais que je suis, comme je dis, il faut s'attendre à rien pour ne rien rater. Parce que si vous vous attendez à quelque chose et que ce quelque chose n'arrive pas à vous rester coincé. Si vous vous attendez à tout, vous serez pris par surprise, parce que quand on s'attend à tout, il y a toujours là. Il arrive toujours cela qu'on va, s'entend pas. Donc quand je dis je m'attends à rien, ce n'est pas comme négatif. Je m'attends à rien, je n'attends plus rien de la vie. C'est, je reste ouvert. Je suis dans la notion d’inéspoir. 

 

Chloë: [00:23:39] En parlant de l'espoir et des attentes. Comment as-tu fait pour préparer ton déménagement au Canada? Avais-tu un plan avant ton arrivée au Québec?

 

Speaker4: [00:23:52] Là aussi, c'est qu'en particulier, dans le sens qu'on est venu une année avant avec ma femme en repérage, un peu pour voir qu'est-ce qu'on pouvait faire? On savait que il y avait cette question d'équivalence des diplômes, donc ma femme a fait ça, puis moi, j'ai pas fait. Et puis on avait… j'avais démarché une école de massothérapie qui enseignait des bases de kiné. Et puis le gars avait l'air intéressé. Puis bref, quand je suis, quand je suis revenue, il était plus intéressé, etc. Etc. Et puis on savait, je savais que pour trouver des patients, ça allait être difficile puisque je n'étais pas comme diplômé. Donc ça nous a un peu compliqué la vie. Mais en même temps que je cherchais un endroit pour travailler, je cherchais aussi un endroit pour enseigner puisque avant ça, je n'avais pas, je n'avais pas enseigné. Je n'ai pas de formation d'enseignant puisque dans mon plan, c'était de faire ça avec l'université à en France. Donc je n'avais pas, je n'avais pas de plan, j'avais l'envie, mais je n'avais pas de plan. Et puis, je n'avais pas de formation en tant que prof. Mais comme la kinésithérapie, il n'y avait qu'une seule école à Montréal qui donnait des trucs de kinésithérapie. Je m'étais dit, je vais aller dans cette école là parce que ce sera facile. Comme elle n'a pas voulu. Je suis allée dans une école concurrente qui donnait pas kiné et qui a dit mais pourquoi pas donner kiné alors? Comme l'école ne connaissait pas grand chose à kiné, ben ils m'ont donné carte blanche, mais j'avais carte blanche, mais j'avais jamais enseigné et il fallait que je fasse le tri de « Qu'est ce que je peux enseigner au Québec?» Parce qu'il y a les physiothérapeutes dont je ne peux pas. Il y a beaucoup de choses que je ne peux pas enseigner. Ils ne feront pas des stages à l'hôpital, etc. Donc c'est comme je dirais moi tout seul qui est trouvé, qui est délimité un peu le programme. Alors ça m'intéressait beaucoup, mais disons que je n'avais pas beaucoup d'aide, ça m'a rappelé quand je suis arrivé à Maurice, où on était deux kinés dans l'île. Donc, je ne pouvais pas demander à une cohorte d'anciennes kiné comment ça se passe sur l'île et qu'est ce qu'on peut faire. On s'est débrouillé, on s'est adapté,

 

Joel: [00:26:08] Mais c'est ça l'élan vital. Si j'avais envie de le faire et je ne voyais pas pourquoi ça marcherait pas. Des fois, même l'ignorance est un don. Ignorer les obstacles, des fois, c'est comme un don. Parce que si j'avais su que c'était impossible, je ne l'aurais pas fait. Mais comme je ne savais pas que c'était impossible, comment est il l'autre? Mais je l'ai fait quoi. Où tu penses à ça? Ça s'est fait. C'est pour ça qu'il y a beaucoup de… j'essaye de parler aux personnes handicapées, surtout de leur dire que à un moment donné, il faut faire comme le suggère Kierkegaard dans sa triade. Il vous dit il faut faire un choix, puis il faut prendre un risque, et puis, il faut faire le saut, il faut le se lancer parce que si vous choisissez pas la vie, va choisir pour vous. Si vous attendez de choisir une solution où il n'y a pas de risque, vous choisirez jamais et une fois que vous avez pris le risque calculé quand même, vous sautez et vous sautez dans l'inconnu. Si vous n'êtes pas prof à l'université, vous serez prof au Québec ou peut être pas, ou ferez autre chose. C’est ça. Et donc, quand je suis venu au Québec, pour répondre à la question, donc je n'avais pas d'emploi réservé ou je n'avais pas de… je nái pas venu avec un contrat de travail. Je suis venue avec trois enfants jeunes, dont le dernier avait six mois. Six mois, deux ans et demi, quatre ans et demi. Et pas de travail et pas d'équivalence, donc il y a des gens qui pensaient que j'étais fou, mais c'est ça. Si on m'avait dit que c'était impossible, c'est pas, je l'aurais pas fait, mais je me suis dit bon, on va le faire. Et puis, si ça fait pas, on retournera en France. Je sais pas. C’est la perception aussi de les gens voient dans un échec ce qui est une expérience.

 

Chloë: [00:27:58] Vous avez eu du courage ou de la fortitude.

 

Joel: [00:28:01] C'est ça, oui, c’est ça. De la folie ou du courage.

 

Isabelle [00:28:04]: C’est souvent la même chose.

 

Joel: [00:28:04]. Sûrement un peu des deux. Oui, sûrement. Sûrement un peu des deux. Oui, oui, parce que c'est ça. Si on s'arrête à toutes les difficultés, je ne fais pas tout ça. Donc. Puis quand finalement, à Marseille, il commence à réembaucher des massos à l'hôpital, je me précipite à l'hôpital comme ça, j'ai ma carrière qui est assurée, si je suis invalide, j'aurai mon pension de retraite quand même, etc. Tandis que travailleur autonome, c'est moins bon.

 

Isabelle: [00:28:34] Vous avez maintenant vécu au Canada depuis de nombreuses années et nous voulons savoir si vous avez remarqué une différence entre la culture de travail française et canadienne?

 

Joel: [00:28:47] Donc la différence de culture. Ce qui est compliqué ici, c'est plus que, comme dans n'importe quel pays, c'est quand les diplômes ne sont pas reconnus comme mon diplôme de kiné qui n'est pas reconnu comme un diplôme de physio. Alors, ça donne comme deux possibilités : ou de faire l'équivalence pour être physiothérapeute, mais il faut savoir que quand on fait une équivalence pour avoir un pratiqué un métier, il va falloir le pratiquer comme il se pratique dans les pays où on vient et donc on ne pourra plus pratiquer comme on le faisait. Donc si j'avais dû être physio, il y a beaucoup de techniques de kiné que je n'aurais pas pu employer puisqu'à ce moment, car l’Ordre contrôle les membres, il faut qu'ils s'assurent qu’ils comprennent bien les techniques. Tant pour moi, pour mon cursus personnel, ça ne m'a pas intéressé de faire physio parce que je travaille avec mes mains, et comme vous le savez, dans mon histoire ancienne dont j'ai beaucoup de liens avec les hôpitaux. Ce qui m'a bien compliqué la vie, parce qu'évidemment, les médecins préfèrent travailler avec des physio qui sont des professionnels reconnus qu'avec un kiné qui n'est pas un professionnel reconnu, alors ça a été un obstacle majeur à ce que je puisse arriver à trouver des médecins qui soient ouverts à travailler avec moi. 

 

Joel: [00:29:57] Donc les différences. C'est sûr qu'en France en général, on est beaucoup plus direct. Au Québec, je parlerai surtout de mon expérience québécoise, pas spécialement canadienne, parce que je suis au Québec, et donc ici au Québec on n'aime pas les conflits, les gens n'aiment pas les conflits. Et quelqu'un comme moi qui vient de Marseille, bon, c’est pas qu'on aime les conflits. Mais bon, s’il faut un peu pousser note, c'est pas compliqué. Alors ce qui fait qu'il y avait un peu ce côté, ce côté-là qui fait que, en France, comme vous le savez sûrement, il y a avait avant COVID tout ça, il y avait, il y a toujours beaucoup de chômage. Donc pour faire sa place et toujours un peu difficile. Et quand on fait par exemple une entrevue, il est important de montrer 200% de ses capacités, tandis que quand on fait la même chose au Québec, on a l'air du Français prétentieux qui veut tout apprendre aux autres, tout expliquer aux autres. Alors ça m'a pris un temps pour comprendre que il ne faut pas faire une démonstration aussi catégorique que ce qu'on fait dans un emploi. 

 

Joel: [00:31:04] Mais ça, c'est des ajustements puisqu'on change de pays quand, par exemple, j'étais à l'île Maurice. C'est sûr que, comme dans beaucoup de pays des îles, c'est assez nonchalant. Alors là aussi, on faisait ça. Et je me rappelle qu'il y a 30 ans, quand j'ai vécu une année à l'île Maurice, à peu près le mois où on est allé, deux mois après qu'on soit arrivé, il y avait un grand colloque avec le premier ministre, justement, sur l'insertion des handicapés. Alors je me suis dit tiens, c'est comme une façon de faire la boucle là trente ans après. Et puis j'avais participé parce que justement, j'avais mon expérience française. Donc ça les intéressait un peu de savoir qu'est ce qui était mieux et qu'est ce qui était moins bien. Alors je me dis tiens, aujourd'hui, c'est comme une… je ne sais pas si ça boucle la boucle, on espère qu'on ne va pas faire une boucle, mais un grand huit, mais disant c'est comme ça me ramène un peu en arrière. Donc chaque pays a aussi ces contingences matérielles, etc. Et il y avait beaucoup de choses. Mais je citerai plus pour conclure avec ça d'une façon ouverte, en parlant de Michel-Ange, de l'anecdote bien connue quand avec sa mère, quand il était tout petit, l'a envoyé faire assister au passage du pape qui était à Florence. Et Michel-Ange avait quatre ou cinq ans et donc sa mère lui a dit « est-ce que tu as vu le Pape? » et évidemment, le petit de cinq ans là, il n'a rien vu là. Et après le Michel-Ange a dit « Ah oui, le monsieur avec des couleurs ». Parce qu'évidemment, il avait ans son habit de pape avec des couleurs. Donc, c'est ce qu'on appelle les couleurs de Michel-Ange, dire Chacun voit dans la réalité le bonheur ou le malheur qui veut bien y voir.

 

Isabelle: [00:32:48] Avec toutes ces différences, pensez vous que la vie est plus facile pour les personnes handicapées au Canada ou en France?

 

Joel: [00:32:56] Oui, alors ça dépend le point de vue, c'est toujours pareil. Si on prend un point de vue qui est strictement médical, je vous dirais que par et c'est facile à vérifier. C'est beaucoup mieux. C'est beaucoup mieux. C'est beaucoup plus facile d'être une personne handicapée en France qu'au Québec. Parce qu'on en fait en France, l'accessibilité aux soins est très nettement supérieure à ce que nous vivons au Québec. Au Québec, il y a beaucoup de milliers de patients qui n'ont pas de médecin de famille. Et quand vous voulez aller voir un médecin spécialiste, il faut une référence de médecin de famille. Donc ça, c'est très, très compliqué ici. C'est sûr que je suppose que beaucoup de personnes handicapées au Québec ont finalement leur médecin de famille et leur référent, mais donc, c'est déjà plus compliqué.

 

Joel: [00:33:41] Le deuxième point, c'est le financement. Par exemple, si on regarde ma spécialité qui est donc kinésithérapie, qui est comme physiothérapie. Mais en France, quand vous êtes avec kinésithérapie, si le médecin fait une prescription de kinésithérapie équivalent à physiothérapie, cette prescription va être prise par le système à 100%. Ça veut dire que le patient ne paye pas. Enfin, il paye indirectement parce qu'il paye des impôts. Mais il n'a pas besoin de payer tant que quand je suis ici, mais comme mes consultations sont à 100 dollars de l'heure. Si les gens qui viennent me voir sont des gens souvent qui ont des assurances privées, mais une assurance privée, des fois, elle va donner quatre- ou cinq-cent dollars pour l'année. Donc, ce qui fait que quand vous avez besoin de soins vraiment appuyés, c'est le cas des personnes handicapées. C'est sûr qu'il y a tout un système, il y a tout un réseau. Vous pouvez aller suivre des soins de physiothérapie aussi, mais disons que c'est compliqué. Les places sont limitées. J'ai une amie qui a un enfant handicapé et elle doit se battre tout le temps pour obtenir des services essentiels pour son enfant. Donc, je dirais que  du point de vue financier, d'accessibilité aux soins et donc financier, c'est beaucoup plus facile en France. Mais peut être que les impôts sont plus importants aussi.

 

Joel: [00:34:59] D'un autre côté, si je regarde le fait d'être handicapé d'un point de vue de la vie de tous les jours, c'est certain, c'est beaucoup mieux d'être au Canada et au Québec, en particulier par rapport à la France. Pourquoi? Parce qu'il y a deux facteurs. Le premier facteur, c'est le facteur de l'espace. Ici, à Montréal, je veux dire, c'est très grand. Tandis que quand vous êtes même à Paris, ou encore plus à Marseille, dans des villes du sud qui sont petites, les rues sont étroites, etc. Les trottoirs sont mal faits. Vous avez tous vu ça. Donc ce qui fait qu'en fauteuil roulant, par exemple, ce serait beaucoup plus compliqué. En plus, évidemment, dans ces grandes villes très peuplées, il y a l'insécurité due à tous les vols, les agressions, etc. Et évidemment, quand on est des personnes plus vulnérables, donc, ce qui veut dire que pour les voleurs, ceux qui ont des intentions négatives, c'est beaucoup plus facile de faire leurs méfaits dans un pays où l'espace et l'espace est restreint. Tandis qu'ici…j'ai été surpris quand j'arrivais à Montréal de voir qu'il y a beaucoup de personnes qui sont dans des voitures, des petites voitures électriques, des gens qui sont sur le trottoir et sont des gens qui sont souvent très lourdement handicapés. Et on sent bien qu'ils ont leur sac à dos, par exemple, qui est accroché à l'arrière de leur petit véhicule. Disant que en France, là, je me sentirais pas sécure, alors je comprends bien et qu'ils ne vont pas mettre tous leurs papiers d'identité dans cette affaire là, mais je me sentirai très insécure si je devais me déplacer dans ce genre de petit fauteuil roulant là, si c'était en France. Parce que c'est difficile, parce que, comme on l'a dit, il y a la géographie, les trottoirs, la structure qui qui est, et puis, il y a beaucoup d'insécurité. 

 

Joel: [00:36:49] Donc de ce point de vue-là, quand je vais par exemple au centre-ville, je sais que, en payant, j'aurai toujours une place de stationnement souterrain et que donc je pourrai être proche de mon lieu de destination. Tant qu'à Marseille, il y avait des jours l'endroit où je travaillais, il y avait un stationnement souterrain, mais si j'arrivais plus tard que neuf heures du matin, il n'y avait plus de places. Et dans les rues, il y a plus de place. Donc ça veut dire que même le jour où je commence à dix heures, j'arrive à huit heures du matin parce que pour moi, c'est très important d'avoir ma place de stationnement. Qu'ici, si je commence à dix heures, je peux arriver à euf heures et demi. Puis je sais que si c'est pas un stationnement, c'est l'autre et etc. Dans tout cela fait que la pression au quotidien est beaucoup moindre au Québec, puis je pense au Canada en général par rapport à la France. Mais je dirais aux grandes, aux grandes villes, à la vieille Europe, comme on dit à l'Italie, l'Espagne, tout ça. Tous ces endroits où l'espace est restreint, où il y a beaucoup de monde parce que les rues sont étroites et en plus, il y a beaucoup de monde. C'est ainsi que dans Montréal, par exemple, les rues sont larges et relativement, il n'y a pas beaucoup de monde. Quand je dis aux gens, c'est un peu finalement. Comme si être à Marseille, c'est un peu comme si on était à Montréal, mais les jours de tempête. Alors il y a les trottoirs, mais les trottoirs sont obstruées, il faut sortir, etc. Parce qu'en France, il y a beaucoup de stationnements sauvages. On se gare ou on peut sur les trottoirs, enfin, vous avez vu des images. Et dans ce cas, vous êtes en fauteuil roulant, c'est déjà difficile. Et là, vous arrivez sur le trottoir et la voiture est en travers. Même les femmes qui ont, ou les parents qui ont, des enfants dans un berceau, tout ça ou dans un landau. Mais la poussette, là, vous ne pouvez pas passer avec la poussette, il faut descendre sur la rue. Bon, c'est un peu, donc on ressemble à ça. Ça ressemble à cela un temps de tempête, mais on n'a pas, heureusement, les moins vingt degrés.

 

Chloë: [00:38:41] Je veux juste savoir qu'il y a une différence d'attitude entre les deux pays, pas des endroits et du transport, mais est ce qu'il y a une différence, des cultures, des attitudes?

 

Joel: [00:38:54] Ben souvent, comme c'est dans des pays comme la France où tout va très vite, c'est sûr que la personne handicapée, elle est entre guillemets plus gênante parce que on veut bien l'aider, mais ça gêne un peu. C'est comme quelqu'un qui, dans la foule, marche lentement et puis ralentit tout le monde. Alors déjà que la foule à Paris là, ça cour dans tous les sens, c'est sûr que, c'est plus une question, j'allais dire de pratique qu'une question philosophique ou éthique de dire que les personnes handicapées sont moins bien considérées. 

 

Chloë: [00:39:28] Alors, tu as mentionné le COVID et je voudrais savoir si tu penses que le COVID va avoir des effets permanents sur notre système de travail, en particulier pour les personnes handicapées. 

 

Joel: [00:39:42] Oui, je peux reprendre ça. Donc, je disais dans la conversation qu'on avait au mois de janvier que c'était paradoxalement une grande opportunité pour les personnes handicapées. Pour deux raisons. La première raison qui est très simple, c'est que la COVID a prouvé que le télétravail était quelque chose qui pouvait fonctionner. Donc parce qu'avant, quand je disais que enfin, une personne disait qu'elle voulait du télétravail, on l'a suspecté de ne pas vouloir travailler, de rester chez elle et ne pas vouloir travailler. Donc là, les études montrent que le télétravail, ça marche au moins aussi bien que le travail en présentiel. Dans ça, c'est un gros atout pour les personnes handicapées qui vont pouvoir en dire si mon travail, ce n'est pas tous les travaux, ce qui permettent cela, mais si mon travail le permet, c'est un travail de bureau, par exemple, l'expérience montre que je peux faire ça à domicile et que donc je peux être un… mon handicap n'est plus un problème. Donc, à ce moment-là, le patron n'aura pas à adapter tous les locaux pour que je puisse y aller. Donc, à ce moment-là, le patron, il va être intéressé, peut-être de m'employer parce que c'est sûr que quand il va falloir venir, si les locaux ne sont pas apprêtés, s'il faut rajouter des plans inclinés, des sides, et ça, c'est compliqué. En plus, ici au Québec, on a une pénurie de main d'oeuvre un peu artificielle, mais une pénurie de main d'oeuvre pareil. Donc ça fait comme une deuxième opportunité. Je suis handicapé, je suis capable de faire le télétravail. Et toi, tu ne trouves pas d'employé, alors? Ça fait comme une double raison pour pour l'employeur de se dire ben peut être, c'est intéressant. Et sans oublier que en général, quand on va donner une possibilité à une personne handicapée de faire un travail, elle va le faire plus tôt aussi bien que les autres, si ce n'est mieux. Parce que, justement, elle va prouver que oui, je suis handicapée, mais je peux te rendre les dossiers à la date prévue. Et même, on peut penser qu'elle fera même plus de zèle qu'une personne, qu'un jeune de 25 ans en pleine forme qui pense que bon, il ne faut pas se faire écraser par les patrons.

 

Joel: [00:41:50] Donc, tant que je pense que, pour cela, la COVID va commettre quelque chose de positive et je dirai aux gens qui sont en recherche d'emploi et qui ça n'a pas marché jusqu'à présent, je dirais, même si vous êtes découragé, c'est peut être le moment de représenter vos CV parce que vous avez le vent en poupe. Et puis, c'est à mon avis un bon moment pour insister sur ses capacités et l'esprit des gens c'est ouvert. Parce que la fermeture, c'était de dire « Non, les gens en télétravail ne vont pas travailler ». Tant que maintenait que cette barrière est tombée. Eh bien, la deuxième barrière, c'est de dire une personne handicapée, oui, mais si elle vient une fois par mois ou par deux mois au bureau, on peut, on peut la recevoir au rez de chaussée. On n'a pas besoin de lui donner un bureau aménagé avec des espaces aménagés. Donc, à ce moment-là l'opportunité est grande pour les personnes handicapées. Et je, si je devais leur part, leur parler, je leur dirai quel que soit votre expérience passée plus ou moins négative de recherche d'emploi, repartez à neuf renvoyer vos CV même dans des endroits que vous avez aimé et où vous avez senti que c'était une question de travail à distance qui pouvait poser problème. S'il y a eu des endroits où votre compétence était reconnue, mais que finalement, cela n'a pas marché, c'est peut-être justement pour la difficulté physique. Je leur dirai ne vous découragez pas. Et puis ne cédez pas, comme on dit dans la Bible, au péché de l'acédie, c'est à dire au péché de renoncement. Refaire, reformuler, parce que les conditions ont changé. Et puis c'est ici et maintenant. Parce que dans un an ou deux, le système sera revenu plus ou moins comme il est, alors c'est vraiment ici et maintenant là. Je dirai d'ici la fin de l'année qu'il faut que les on pourrait faire. Je ne sais pas comment on pourrait faire, mais que les organismes qui gèrent les travailleurs handicapés fassent une publicité. Enfin une offensive! On va dire.

 

Chloë: [00:43:56] J'ai une question liée à ce sujet. Oui, comme toi, j'ai un handicap avant mon expérience de maladie neuromusculaire. Je croyais que je pouvais diriger mon corps vers n'importe quel but, mais maintenant, j'ai une relation différente avec mon corps. Je continue de le conduire, mais j'adapte constamment à mes limitations. Comment décrirais-tu la relation entre le corps et la volonté pour les personnes handicapées?

 

Joel: [00:44:28] Le corps, c'est comme un réceptacle. C'est un lieu d'expérimentation puisque c'est pour cela que si on avait, si on était juste au niveau de l'âme, on n'aurait pas besoin de venir s'incarner. Si l'âme, elle vient s'incarner, c'est parce qu'elle veut vivre concrètement des choses. Parce que l'âme, c'est si on prenait une image simple. Donc, on pourrait dire que l'âme, c’est : je suis là chez moi, il fait vingt degrés à l'intérieur. Puis je regarde dehors, il fait moins trente. Je vois bien la neige dehors, etc.  Mais la réalité, je ne la sens pas, je la vois, mais je ne semble pas parce que sitôt qu'il me semble que dehors, j'aimerais marcher comme ça dans la neige. Mais dès que je mets le nez dehors – oh moins trente, j'ai plus envie de marcher tant que ça dans la neige. Donc, l'âme, c'est un peu ça, elle peut saisir des situations, mais si elle va s'incarner, c'est pour avoir une possibilité de ressentir les choses. Et donc, à ce moment-là, si mon âme s'est incarnée dans un corps qui est limité ou qui deviendra limité par le vieillissement ou par la maladie qui apparaît à un moment donné, on peut se sentir encore une fois victime de quelque chose. Ou se dire message ou pas message, j'ai intérêt à faire affaire avec ça.

 

Joel: [00:45:51] Ce que je dis aux gens, c'est qu'on a les moyens qu'on a. Et si… Moi j'aime parler beaucoup du réalisme salvateur. Ok, ben, tu peux faire ce que tu veux, tu veux faire deux heures de sport, mais demain, tu seras couché pendant trois jours. Alors, mais des fois, j'ai envie aussi de faire du bricolage ou j'ai envie de faire quelque chose. Et je sais que pendant deux, trois jours, je vais payer la note, même si ce que j'ai fait, ce n'est pas extraordinaire. Alors il y a une différence entre le faire de temps en temps parce que, comme tout le monde, on aime bien transgresser ses limites, surtout pour faire des choses très ordinaires. En plus, ce type est de temps en temps. Comme quelqu'un qui dit, ben de temps en temps, je vais boire un verre de plus pour me faire du bien. Ce n'est pas pour ça que la personne elle va devenir alcoolique, mais là, c'est la même chose. De temps en temps, j'ai fait des choses qui ne sont pas raisonnables par rapport à mes capacités, mais ça fait du bien. Même j'aurais mal pendant trois jours, mais psychologiquement, ça me fait du bien de se dire : «Cette fois-ci, au lieu d'appeler quelqu'un, je l'ai fait par moi-même et puis ça me fait du bien», Bon, mais je dois, j'ai choisi et j'ai choisi mes contraintes. Ça veut dire que les deux, trois jours après, je ne peux pas me les passer à me plaindre parce que vous allez me dire « mais tu n'as pas été raisonnable ». Et si je me plains, vous me dis tu n'as pas été raisonnable. Donc, on est dans un cercle négatif parce que tu vois, je t'avais dit de ne pas le faire, tu la fais, etc. etc. Donc c'est à moi d'assumer que je savais, mais ça m'a fait du bien de le faire. Et donc, mais maintenant, si c'est ma façon de vivre au quotidien, cela veut dire que je n'accepte pas mon handicap.

 

Isabelle: [00:47:30] Alors évidemment, vous êtes un homme très philosophique. Pourriez-vous nous expliquer comment la philosophie a influencé votre parcours?

 

Joel: [00:47:39] Confronté au handicap, on va essayer d'adopter des techniques, des façons de gérer, des façons de réfléchir pour trouver des solutions. Donc, ce n'est pas comme si… je ne suis pas philosophe, bon, je suis pas philosophe de formation. J'aime la philosophie, mais je veux dire, je ne suis pas philosophe et après handicapé, disons. Je suis handicapé, confronté à certains types de questions et je cherche des réponses, et comme j'aime la philosophie, je cherche des réponses dans la philosophie. Donc c'est pour ça que j'aborde des philosophes qui répondent à mes questions ou à mes interrogations d'une façon générale. Donc, j'ai été sensible assez rapidement à Heidegger, donc, qui va plus loin que Husserl qui, Husserl en fait, il parle beaucoup de, si on est dans la phénoménologie pour les personnes handicapées, de voir dans… c’ets Ricœur aussi, qui reprend cela avec la narrativité. Paul Ricœur, donc, de dire que le patient raconte son histoire et on essaie de voir dans son histoire quels sont les thèmes principaux, quel est le problème? Comment ressort un peu le problème? On pourrait se référer aussi à Jung, et puis à Freud et tout cela donc, dans toute cette psychologie. La différence avec Heidegger arrive, d'après ce que je comprends, c'est que lui, il dit ce qui est important aussi, c'est le non-manifesté.

 

Joel: [00:49:10] C'est pour ça qu'on parlera un peu plus tard, je pense de la notion de silence. Donc le non-manifesté parce que souvent les gens m'explique comment ils font face à leur handicap, à leurs problèmes. Et puis du côté, j'allais dire, positif. C'est à dire quelles sont les astuces? Qu'est-ce qu'ils ont trouvé? Etc. Ils ne parlent pas de leur côté négatif, là où ça va moins bien, parce qu'on est dans une société aussi où on nous dit il faut être positif. Mais à un moment donné, pour être positif, il faut parler un peu du négatif. Ce qui fait que souvent, chacun va donner son expérience et un peu ses trucs et ses astuces. Et puis il ne parlera pas trop de ce qui ne fonctionne pas. Donc l’idée d’Heidegger, c'était aussi le non-manifesté et le non-dit. C’était de dire voir ce que le patient me dit et ce qu'il ne me dit pas, c'est le saut dans la chaîne logique. Donc, comme la pudeur, je peux parler de mon expérience, puis peut-être vous allez voir que sur un sujet précis de mon expérience, d'un coup, là, je suis en train de bloquer ou de me refermer. Et évidemment, on comprend que le facteur de progression est plus dans ce fait que je vais refermer que dans le fait de faire 50 000 conférences pour vous expliquer comment j'arrive à gérer mes problèmes. Pour que moi j'avance, il faudrait plus que je parle de des problèmes que j'ai du mal à gérer. Et donc Heidegger, c’est lui qui est à l’origine du Dasein, le fait d'être là. Mais bon, ça, c'était il y a quand même un demi-siècle ou plus. Donc il faudrait être, à mon avis, Il faudrait au-delà de cela, il ne faudrait pas être juste là, un comme Lévinas, si dit autrement que simplement être. Il ne faut pas être juste là. Il faudrait être le « là », c’est-à-dire celui qui donne, celui qui donne l'élan. Je suis le « là », c'est à dire là, dans le sens de la note de musique. Je donne le « là », je donne la signification parce que si je suis là, je suis un peu comme un entomologiste, avec ses petits papillons qu'il a épinglés sur le mur. Est-ce que je suis là comme cela, fixé sur le mur, figé dans le système, pris dans le décor? Ou est-ce que je suis le « là »? C’est-à-dire, est ce que j'essaie de donner une impulsion, ce que Bergson appellerait l'élan vital? 

 

Chloë : [00:51:33] Vous parlez de passion ici? 

 

Joel : [00:51:36]  Oui. Ah ouais. Enfin, je préfère parler de raison de vivre, d'élan vital que de passion parce que dans passion, le terme philosophique de passion, il y a pâtir… passion, il y a toujours une connotation de souffrance et de souffrance imposée. Si on regarde dans l'activité chrétienne, on dit que le jour de Pâques, Jésus souffrit sa passion.

 

Chloë: [00:52:02] Ok, oui , vous avez raison.

 

Joel: [00:52:04] Ok, c'est ça de la passion. Il y a toujours parce que la passion est un dépassement de la normale. Mais une passion amoureuse est quelque chose qui fait souffrir, ne serait-ce qu'au détriment du reste, parce que je suis dans ma passion amoureuse et puis j'oublie tout autour. Donc, ce n'est pas une souffrance peut être extraordinaire. Mais la passion donc, c'est un excès, parce qu'on sait bien que c'est difficile, surtout dans la passion amoureuse, de rester quarante ans dans la passion absolue. Donc, et après, quand on tombe de cette de cette passion-là, souvent, c'est difficile où les gens acceptent mal que la vie devienne un peu plus routinière. Donc la passion, ce n'est pas un terme que j'aime tellement parce qu'il y a une idée de de souffrir. Mais est ce qu'on va souffrir pour avoir quelque chose qui nous intéresse, à ce moment ci, c'est un choix qui est libre dans cette souffrance-là n'est plus un effort. Un effort c'est, en philosophie, on dit que l'effort est le signe de l'erreur parce que l'effort, c'est faire quelque chose que je n'ai pas envie de faire. Dans ce temps de Covid, j'ai parlé à beaucoup de gens qui avaient perdu leur travail inintéressant d'être dans les fast food, etc. où ils étaient exploités, etc. Et maintenant, je dire, ils ne rêvent plus que d'une chose, c'est de retrouver ce travail qu’ils détestaient. C'est parce qu'ils n'ont pas réfléchi à la situation. Oui, c'est un travail qui n'est pas très intéressant. C'est un travail qui me permettait de survivre. Donc, en attendant, l’idées c’était de continuent à travailler, continuer à survivre avec ce petit salaire et essayer de trouver une solution pour que votre vie soit meilleure. Mais au lieu de maudire ce travail qui les fait survivre, moi je leur disais, vous devriez bénir ce travail-là parce que c'est lui au moins qui fait que vous pouvez avoir une maison ou ne serait-ce qu'une colocation. Vous avez les moyens de vous assumer. Alors oui, vous êtes exploités, oui, ce n'est pas intéressant, etc. Donc ils s'aperçoivent après avec COVID que là, ils finalement ils donneraient, donneraient tout pour retourner et travailler autant d'heures que ce qu'ils avaient dans un travail inintéressant. C'est parce qu'on a mal évalué le but. J'ai cette obligation de ce travail pas intéressant. J'ai cette obligation du handicap puisque si on revient sur la ligne du handicap dans c'est comme une obligation, je peux vivre cette obligation comme une damnation. Et puis ça va être long longtemps et pénible où je peux dire bon ben. A partir de là, je mets de l'ordre dans mes idées et je vois comment je peux m'ajuster à la situation. Alors je prendrai les aides extérieures aussi, mais je serai intéressé à voir qu'est-ce que moi je peux faire? Est-ce que je peux renvoyer mes CV maintenant que le télétravail est accepté? C'est un point, à mon avis, sur lequel il faut remotiver les personnes handicapées en leur disant n'attendez pas, oui, le gouvernement va faire, mais n'attendez pas parce que c'est des démarches si compliquées. Relancez votre CV. Si j'avais un message aujourd'hui, ce serait cela. C'est quel que soit le vécu, si vous avez senti que c'était difficile parce que vous étiez handicapé, parce que le télétravail, ce n'était pas à la mode, la mode a changé. Alors repartez à zéro comme sur une terre vierge.

 

Chloë: [00:55:30] Merci beaucoup, Joel. J'apprécie sincèrement les idées et histoires que tu as partagées avec nous aujourd'hui. C'est merveilleux. Merci.

 

Joel: [00:55:43] J'espère que ça va apporter sa pierre à l'édifice, quoi.

 

Isabelle: [00:55:46] Merci beaucoup. Bonne journée.

 

Joel: [00:55:48] Merci beaucoup. Merci. Merci.

 

Isabelle: [00:55:55] Merci de votre attention. Nous espérons que vous avez aimé cet épisode de broadcast vendredi. Vous pouvez nous trouver sur Internet a leprojetproud.ca Vous pouvez également nous rejoindre sur Facebook, Instagram, LinkedIn et YouTube. 

 

Isabelle: [00:56:20]

Le balado Broadcasablity est réalisé par le Projet Proud à Scarborough College, à l'Université de Toronto et Timbres de Pâques Canada. La musique a été composée par Justin Laurie.Ll'art de couverture du balado et été créé par Isabelle Avakumovic-Pointon. Ce deuxième épisode de Broadcastability fut également édité par Isabelle Avakumovic-Pointon.

 

Chloë: [00:56:51] Nous remercions Scarborough College à l'Université de Toronto et notre partenaire pour ce balado, Timbres de Pâques Canada pour leur aide. Nous tenons également à remercier nos partenaires financiers, le Conseil des recherches en sciences humaines du Canada, the le Centre for Global Disability Studies, Tech Nation et le Catherine and Frederick Eaton Charitable Foundation.